LA NOMENCLATURE DINTILLAC*

Cette nomenclature recense et classe les préjudices (subis par la victime) patrimoniaux et extrapatrimoniaux (incorporels) avant et après la consolidation, c'est-à-dire la stabilisation de l'état de santé du malade (accidenté, etc.). Elle permet aux praticiens du droit du dommage corporel l'évaluation rationnelle (quantitative) du préjudice en vue de son indemnisation.

Préjudices patrimoniaux temporaires Préjudices Patrimoniaux permanents Préjudices extrapatrimoniaux temporaires Préjudices extrapatrimoniaux permanents
Dépenses de santé actuelles Dépenses de santé futures Déficit fonctionnel temporaire Déficit fonctionnel permanent
Perte de gains professionnels actuels Perte de gains professionnels futurs Souffrances endurées Préjudice esthétique permanent
Préjudice scolaire universitaire ou de formation Incidence professionnelle Préjudice esthétique temporaire Préjudice d'agrément
Frais divers Frais d'aménagement de logement Préjudice sexuel
Préjudice d'établissement
Préjudices permanents exceptionnels

* M. Jean-Pierre DINTHILAC, ancien procureur de Paris, ancien président de la 2 ème chambre civile de la Cour de cassation, et ancien avocat général près la Cour de cassation, est né le 15 mars 1943 à Paris et décédé le 6 mars 2014. Sa nomenclature a permis l'harmonisation des décisions de justice en matière d'indemnisation des dommages corporels.

LES POSTES DE PREJUDICE DE LA NOMENCLATURE DINTILHAC

A- Les préjudices corporels de la victime directe

1°) Préjudices patrimoniaux :

a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
  • Dépenses de santé actuelles (DSA)
  • Frais divers (FD)
  • Pertes de gains professionnels actuels (PGPA)
b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
  • Dépenses de santé futures (DSF)
  • Frais de logement adapté (FLA)
  • Frais de véhicule adapté (FVA)
  • Assistance par tierce personne (ATP)
  • Pertes de gains professionnels futurs (PGPF)
  • Incidence professionnelle (IP)
  • Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU)

2°) Préjudices extrapatrimoniaux

a) Préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
  • Déficit fonctionnel temporaire (DFT)
  • Souffrances endurées (SE)
  • Préjudice esthétique temporaire (PET)
b) Préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation) :
  • Déficit fonctionnel permanent (DFP)
  • Préjudice d'agrément (PA)
  • Préjudice esthétique permanent (PEP)
  • Préjudice sexuel (PS)
  • Préjudice d'établissement (PE)
  • Préjudices permanents exceptionnels (PPE)
c) Préjudices extrapatrimoniaux évolutifs (hors consolidation) :
  • Préjudices liés à des pathologies évolutives (PEV)

B -Les préjudices corporels des victimes indirectes (victimes par ricochet)

1°) Préjudices des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe

a) Préjudices patrimoniaux
  • Frais d'obsèques (FO)
  • Pertes de revenus des proches (PR)
  • Frais divers des proches (FD)
b) Préjudices extrapatrimoniaux
  • Préjudice d'accompagnement (PAC)
  • Préjudice d'affection (PAF)

2°) Préjudices des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe

a) Préjudices patrimoniaux
  • Pertes de revenus des proches (PR)
  • Frais divers des proches (FD)
b) Préjudices extrapatrimoniaux
  • Préjudice d'affection (PAF)
  • Préjudices extra- patrimoniaux exceptionnels (PEX)

QUELQUES DEFINITIONS :

Ce sont les préjudices pécuniaires ou économiques. Il peut s'agir « des pertes subies par la victime (comme) des gains manqués par celle-ci ».

« Dépenses de santé actuelles » (DSA)
Frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques qui restent à la charge de la victime.

Cela concerne les frais d'assistance à expertise, de garde d'enfants, de soins ménagers, d'assistance temporaire d'une tierce personne, des frais d'adaptation temporaire d'un véhicule ou d'un logement.

C'est la perte totale ou partielle des revenus résultant de l'inactivité de la victime du fait de l'accident et ce jusqu'à la date de consolidation.

La consolidation étant « Le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ».

C'est l'ensemble des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux ou pharmaceutiques permanents ou chroniques de la victime : prothèses, (dentaire, auditive), rééducation…

Qui peut résulter de la perte d'emploi ou de l'obligation d'exercer un emploi à temps partiel du fait du dommage.

C'est, par exemple, la dévalorisation de la victime sur le marché du travail, sa perte d'une chance professionnelle, l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe encore l'abandon de sa profession au profit d'une autre choisie en raison du handicap.

Exemples : modification d'orientation, renonciation à une formation ; difficulté ou impossibilité à se concentrer, troubles mnésiques rendant tout nouvel apprentissage impossible, conduire à interrompre leurs études ou à s'engager dans des filières plus « modestes ».

Ce sont les préjudices non pécuniaires ou non économiques (exemples : gêne que subit la victime dans les actes de la vie courante)

« Perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante » (Rapport Dintillac) (exemples : éloignement temporaire de la victime de son entourage, privation temporaire des activités habituellement réalisées, préjudice sexuel).

Souffrances physique et psychologique jusqu'à la date de consolidation.

Préjudice touchant à l'apparence physique de la victime.

Préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation)

C'est « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomophysiologique médicalement constatable (et) donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours » (Rapport Dintillac)

La réduction ou l'annihilation des activités sportives ou de loisirs occasionnées chez la victime (du fait de l'accident)

C'est l'atteinte permanente de l'apparence physique (exemple : cicatrices).

Il peut être de nature morphologique (atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires), comme il peut être lié à l'acte sexuel lui-même et à l'impossibilité ou la difficulté à procréer.

C'est la « perte d'espoir et de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap ». Exemple : impossibilité de se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc. suite à un traumatisme crânien (surtout lorsque la victime est jeune)

Ce sont les préjudices qui ne rentrent pas dans les autres postes (exemple : la catastrophes AZF, etc.)

Le rapport Dintillac les exemples du virus de l'hépatite C, du VIH, de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou de l'amiante.

Qu'est-ce que l'indemnisation ?

La cour de cassation a définit « le principe indemnitaire » de la manière suivante : « la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit », ce qui se résume par : “tout le préjudice et rien que le préjudice” ( Cass. Crim, 13 décembre 1995, Bull. 1995, n° 377, pourvoi n° 95-80.790)